Dénoncés alors qu’ils se réfugiaient en zone libre, Ginette et sa famille sont arrêtés et déportés le 13 mars 1944 par la Gestapo. Elle passera par plusieurs prisons et camps de concentration : Auschwitz-Birkenau, Bergen-Belsen, Theresienstadt… Elle sera transportée dans le convoi n°71, le même que Simone Veil. Les deux femmes se sont rencontrées, et la future ministre lui offrira même une robe. Ce présent sera pour Ginette une vraie aide qui lui remontera grandement le moral jusqu’à la Libération. Elle perd son père et son frère, gazés dès leur arrivée. C’est son aptitude physique tout autant que sa détermination qui lui permettent de survivre aux travaux forcés. Comme le souligne Yves Nicolin, Madame Kolinka a su garder « cet optimiste permanent, cette joie de vivre sans faille qui lui ont permis de tenir alors qu’il n’y avait plus aucune raison d’espérer ». Elle est libérée et retourne à Paris dans son appartement en juin 1945, où elle retrouve quatre de ses sœurs et sa mère.
50 ans de silence, 50 ans enfermée dans cette pièce aux murs invisibles, 50 ans seule face à la déportation
Yves Nicolin
Madame Kolinka a longtemps gardé le silence, travaillant avec son mari sur un marché d’Aubervilliers. Veuve au début des années 2000, elle rejoint une association d’anciens déportés. Le déclic arrive lorsqu’un réalisateur très connu lui demande son témoignage… Spielberg et La liste de Schindler ! Depuis, elle parcourt la France en racontant son histoire. Avec l’aide de la journaliste Marion Ruggieri, elle est à l’origine de deux livres : Retour à Birkenau et Une vie heureuse. Ces interventions en milieu scolaire permettent de perpétuer le devoir de mémoire de la Shoah. Elle parle de manière calme mais directe, en interpellant les jeunes sur la violence et l’inhumanité des nazis. Mais cette dame déborde de joie de vivre et n’hésite pas à rajouter sa petite touche d’humour.
Ginette Kolinka continue de transmettre son histoire sans relâche. Yves Nicolin et le conseil municipal ont décidé de remettre à cette grande dame, la médaille de Citoyenne d’honneur de la Ville de Roanne. « C’est beaucoup trop d’honneur », commentait-elle ce mardi 7 mars, avec toute l’humilité qui la caractérise. Heureuse d’être à Roanne, territoire qu’elle connait bien puisqu’une partie de sa famille y réside, elle était entourée de ses proches pour l’honorer.
Une plaque nominative lui a également été remise. Elle sera installée dans le futur espace commercial Foch-Sully, dans une rue qui portera son nom, celui d’une dame qui permet de ne jamais oublier la violence et les abus de la guerre.
Au cours de sa prise de parole lors de la cérémonie, elle est revenue sur ses nombreuses interventions dans les collèges : « je leur explique que tout ce qui est arrivé, c’est à cause de la haine, porté par des hommes contre d’autres hommes. Il ne faut pas oublier, il ne faut plus que ça recommence ! Je compte sur eux pour devenir des passeurs de mémoire ». Et après tout ce qu’elle a vécu et les atrocités dont elle a été victime, lorsqu’on lui demande pourquoi elle considère que la vie l’a gâtée, elle répond avec son sourire : « demandez des choses accessibles et vous serez heureux ! ».