La mémoire traumatique mieux reconnue

A l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le CISPD* de Roannais Agglomération et ses partenaires**, ont convié le docteur Muriel Salmona. Depuis près de vingt ans, cette éminente psychiatre et psycho-traumatologue a fait de la mémoire des femmes à l’épreuve de la violence, son cheval de bataille.

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Quel sentiment vous a laissé la conférence donnée à Roanne le 28 novembre ?

Ce fut un moment très agréable. Près de 300 personnes étaient présentes. Et l’assistance, essentiellement constituée de professionnels, a été particulièrement réceptive. C’était important, puisqu’en France malheureusement, les professionnels ne sont pas encore assez formés aux impacts traumatiques liés aux violences faites aux femmes. Des situations de déni insupportables pour les victimes sont de ce fait créées.

Quelles sont les différentes formes de violences et leurs conséquences ?

Quelles que soient leurs formes, physiques, morales, sexuelles… les violences ont toutes le même but, celui de porter atteinte à l’intégrité de la personne. Pour les victimes, deux points ont un impact important : les atteintes subies d’une part et l’intentionnalité de détruire, de l’autre. C’est d’ailleurs ce dernier point qui génère encore plus de conséquences divergentes en fonction des victimes de stress post-traumatique. Le mécanisme vital qu’est la mémoire traumatique s’installe après un ou plusieurs épisodes de violences.

Qu’est-ce que le phénomène de « mémoire traumatique » ?

La mémoire traumatique est un mécanisme de sauvegarde neurologique. Des émotions vécues par les victimes lors des violences subies sont enterrées au plus profond d’elles, parfois durant des années, mais qu’un stimulus extérieur peut faire resurgir à n’importe quel moment, avec violence. Elle s’apparente à une bombe prête à se déclencher à tout instant et nécessitant une hyper vigilance. Les victimes doivent pour s’en sortir être accompagnées dans un processus de psychothérapie leur permettant de transformer la mémoire traumatique en mémoire autobiographique.

Après le dépôt de votre manifeste contre l’impunité contre les crimes sexuels à la ministre Marlène Schiappa le 20 octobre 2017 et la libération de la parole des victimes de violences sexuelles sur les réseaux sociaux, pensez-vous que vous serez mieux entendue ?

La société française est encore trop inégalitaire et gangrénée par le déni et la culture du viol. Mes différents ouvrages et notamment Le livre noir des violences sexuelles tentent de donner un éclairage nouveau sur l’impact traumatique des violences. L’association Mémoire traumatique et victimologie, que j’ai fondée en 2009, a pour but de donner des informations aux victimes de violences et de proposer des formations aux professionnels de ce champ. Aujourd’hui, avec la libération de la parole des très nombreuses femmes, connues ou inconnues, victimes de violences sexuelles, une prise de conscience de l’ampleur et de la gravité de ces faits par l’opinion publique est engagée.

*  Conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance

** SOS violences conjugales 42, l’Arravem (Association région roannaise aide aux victimes et médiation), le Planning familial, le CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles), le Conseil départemental, le Centre hospitalier de Roanne, l’État, la Police et la Gendarmerie nationales.