Culture

Le fabuleux destin de Laure Gardette

Le destin ne tient parfois qu’à un mot ! Aujourd’hui chef monteuse de grands cinéastes, la Roannaise Laure Gardette doit son parcours hors du commun à un professeur bienveillant, qui lui a écrit le mot « montage » pour la première fois lorsqu’elle avait 14 ans. Depuis, elle a mis « bout à bout » ses différentes expériences de vie pour parvenir à décrocher le Graal : le César du meilleur montage !

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Originaire de Lentigny, Laure Gardette est, comme elle aime à le dire, le fruit de l’école publique. « Je suis allée pour la première fois au cinéma avec le collège et ce jour-là, j’ai eu un vrai choc ! Un professeur a été témoin de cet émoi et il a alimenté ma passion, comme l’ensemble de mes professeurs. » Bonne élève, ils la dispensaient de certaines heures de cours en échange desquelles elle développait son goût pour l’image et le son.

Installée au fond de la classe, elle créait à partir de papier rhodoïd ses propres diapos, qui prenaient vie sous le feu de petits projecteurs. En découvrant son travail, un professeur lui a écrit un mot d’encouragement et pour la première fois, « montage » apparaissait sous ses yeux. Ce simple mot allait déterminer sa vie !

Les années de galère

Au ciné-club du lycée Jean-Puy, elle croise la route d’un autre Roannais, le futur réalisateur Boris Vial. Ensemble, comme frère et sœur, ils vont tout connaître : le Bac, les belles années de Fac durant lesquelles ils ont tant appris mais les premières galères aussi. " Avec Boris, on a tout traversé ! J’ai monté dans ma chambre son premier court-métrage ! "A la fin de ses études, Laure décide de tenter sa chance à Paris, mais ses conditions financières ne lui permettent pas d’y rester. Retour à la case départ : Lyon !

Elle apprend qu’un laboratoire médical recherche une personne pour filmer et monter le travail des chirurgiens en bloc opératoire. Banco ! Durant deux ans, grâce à ce job « alimentaire », elle peut s’équiper d’une table de montage professionnelle. En parallèle, elle monte énormément de courts-métrages et prend une décision importante : retourner à Paris pour se donner une nouvelle chance !

Autodidacte du montage

Laure décroche un stage « sans piston ! » au sein du labo LTC, très connu dans le milieu du 7e art. Trois mois durant, elle appartient au monde des ouvrières du cinéma et prend un plaisir fou. A l’issue, plutôt que d’être assistante, Laure choisit de monter bénévolement des courts-métrages car elle veut apprendre seule pour ne pas être formatée. « Nous sommes à l’aube des années 2000 et le montage numérique apparaît. J’ai appris toute seule cette technique, là-encore grâce à la volonté de m’en sortir et à une société de production qui m’a ouvert chaque nuit les portes de son studio de montage équipé de cette nouvelle technologie.»

Puis, elle rencontre son mentor, une grande dame du montage, Nelly Quettier, qui va offrir la chance à Laure de parfaire sa formation en lui proposant le seul stage qu’elle acceptera sur Pola X de Léos Carax.

Maïwenn, François Ozon et les autres

La rencontre avec Maïwenn bouleverse sa vie professionnelle. Après son court-métrage, la réalisatrice lui propose de monter son premier « long ». L’économie de Pardonnez-moi est si fragile que Laure lui donne quasi bénévolement six mois de sa vie. Son engagement est récompensé puisque le succès critique est énorme! « Le talent de Maïwenn est confirmé et mon travail de montage reconnu. »

En 2009, François Ozon la choisit pour Potiche, et depuis, ils collaborent sur tous les films du réalisateur, dont le dernier, Grâce à Dieu, ayant reçu l’Ours d’argent au festival de Berlin 2019.

En 2012, le César du meilleur montage pour Polisse de Maïwenn lui ouvre les portes de la liberté créative.

Aujourd’hui, Laure Gardette se sent « privilégiée », mais cette reconnaissance, c’est aussi le résultat de beaucoup de travail et de sacrifices.Des réalisateurs talentueux français ou étrangers lui font confiance. « Ma liberté, c’est de savoir accepter la critique. Pendant les six mois de montage d’un film, réalisateurs et producteurs remettent en question ce que je fais, mais je n’ai jamais le sentiment d’être jugée, au contraire. Je sais que la critique bonifie mon travail. Grâce à mon expérience et à ma force de proposition, je trouve les solutions aux problèmes les plus épineux. 

Monter un film est un véritable travail d’écriture ! J’écris avec des images et des sons. Je suis à l’écoute du jeu des acteurs et beaucoup sont des virtuoses.

Mais j’ai aussi le pouvoir au montage de faire en sorte qu’un acteur joue bien alors qu’il était fragile au moment de la scène ! »

En 2017 le ministère de la culture et de la communication décerne à Laure Gardette le grade de chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres pour récompenser son travail et son engagement remarqués et appréciés, au service d’un cinéma d’auteur et son rayonnement à l’étranger.