Culture, Ville de Roanne

Vincent Marin : Juste une mise au point

Photographe officiel du Festival d’Avignon, formateur au sein de sa société Dronadair et président de l’association locale La Base, Vincent Marin cultive une passion pour l’image et les arts vivants. Focus sur l’artiste roannais.

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Comment est née votre passion pour la photographie ?

Mon père Jacky, ancien président de la Chorale dans les années 1980, a toujours fait de la photo. A l’âge de 7-8 ans, il m’a équipé d’un boîtier professionnel Pentax et m’a dit « Amuse-toi ». Je développais mes photos de mariages et de famille en argentique dans la salle de bain. En 1995, j’ai fini mes études de géographie à Avignon, où une amie comédienne m’a donné goût au théâtre. Je me suis pris de passion pour la photo de théâtre et du spectacle vivant.

Quel est votre apport au Festival d’Avignon* ?

Je suis rentré dans l’organisation du festival en 2005, pour réaliser la programmation de la partie ‘Off’ et accueillir les compagnies pendant trois ans. J’ai repris entre temps la photo en devenant journaliste au service culture du Dauphiné Libéré. Après quatre ans de demandes infructueuses, je suis devenu l’un des 22 photographes professionnels crédités sur le ‘In’ du festival, qui a un contrôle serré sur l’image. Il a fallu se battre. Cette nouvelle posture m’a rapporté plein de boulot.

Accrédité, je couvre en moyenne une quarantaine de spectacles par saison, c’est du sport !

Doucement, on fait sa place. On se retrouve entre photographes indépendants sur certains spectacles pour trier nos fichiers, que les agences photos viennent acheter en direct.

Comment décrire votre technique ?

Autodidacte, j’ai été filmeur pendant un an auprès d’un photographe de voile qui m’a appris ce que voulait dire le mot ‘photographie’ et ‘écrire la lumière’. J’aime le fait que celui qui va regarder ma photo de spectacle poursuive le mouvement figé par mon cliché.  Je ne suis pas un dingue de matériel. Mon petit boîtier de reportage étonne souvent. Je reste moins effrayant que tous ces téléobjectifs à côté de moi. Je suis un maniaque du cadrage et ne retouche jamais. Je préfère construire ma photo comme un peintre sa toile.

Avec leur atmosphère, des lumières et des contraintes qui leur sont propres, les spectacles vivants sont une formidable école. On se rend compte qu’avec le même matériel, personne n’a la même photo, alors que pourtant, on a vu le même spectacle à travers le même prisme.

Quelles sont vos inspirations ?

Je suis sidéré par le travail sur l’urbain d’Alexandre Rodtchenko, photographe russe des années 1930. Il était capable de rendre un escalier vivant. Compliqué avec le matériel de l’époque ! Plus localement, une photo de Christian Verdet, devenu un ami, décrivait tout le drame du Liban avec un beau message.

Vos projets actuels et à venir ?

J’ai une activité de formateur en photo au sein de ma société Dronadair (Roanne). Je suis des compagnies de théâtre, danse, cirque et spectacle vivant. Tous mes contacts sont principalement dans le sud, comme ces artisans dans le Lubéron. Je travaille aussi pour le cinéma, comme photographe de plateau. J’ai sympathisé avec l’acteur Dominique Pinon, qui m’a présenté quelques relations car il est difficile de mettre un pied dans ce monde. J’aime le monde de la technique, il y a une quantité folle de personnes sur un plateau. Il faut énormément de patience.

Je vais souvent à la Halle Vacheresse voir les matchs de la Chorale. Dans le basket, il y a ce côté chorégraphique parfois pas si éloigné du mouvement des danseurs. J’aimerais créer des diptyques entre la danse et l’action du basket que je connais par cœur.

Comment décririez-vous Roanne ?

Etudiant, j’avais quitté Roanne en me disait que cette ville était d’un ennui. Mais je n’ai jamais perdu le contact. A l’occasion d’un livre de photos réalisé pour Thoba’s Edition, j’ai redécouvert Roanne et son architecture. Installé à Mulsant depuis trois ans, je constate que la ville, aujourd’hui très agréable et zen face aux métropoles du sud, a énormément changé. Quel bonheur !

Elle offre une douceur de vivre intergénérationnelle, une modernité à taille humaine.

La Base** : « Une aventure de potes assez dingue »

La Base, bar associatif dont je suis le président, est établie depuis 2013 sur l’ancien site de notre club de ski nautique en bord de Loire. Une équipe de bénévoles s’est constituée et grâce à nos réseaux dans le monde du spectacle, on reçoit de mai à septembre des artistes (concert, spectacles, DJ…) qu’on tient à rémunérer. C’est une belle aventure humaine et beaucoup de travail puisqu’on accueille gratuitement jusqu’à 400 personnes, on veut être généreux face au public. On n’est ni un bar, ni un resto, ce n’est pas notre crédo. On souhaiterait mieux investir la Loire, à l’image de la Ville qui se retourne vers son fleuve.

Que shooter sur le Roannais avec l’œil du photographe ?

Une fin d’après-midi de juin, le somptueux bocage vallonné de Pradines est à ne pas rater ! Dans une chaleur provençale, la lumière est incroyable et palpable sur la Base. A Roanne, l’immeuble majestueux à l’arrière de la Place du marché prend une lumière jaune en fin de journée. J’aime ce mélange architectural Place des promenades, entre le plus haut immeuble et la petite maison du siècle dernier. La façade de Jean-Puy rue Noëlas ou le bâtiment moderne derrière le jardin des senteurs, avec la gare en arrière-plan. J’aime aussi les lignes de fuite qu’offrent le cinéma et la passerelle sur la voie ferrée.

Une première exposition au théâtre

Pour ma première exposition roannaise en septembre, j’ai présenté au théâtre 25 œuvres qui représentent huit ans du Festival d’Avignon. Parmi elles, une photo a fait le tour du monde. A travers son art, une compagnie de théâtre représentait le massacre d’Orlando [aux Etats-Unis, en juin 2016, ndlr] dans une piscine. La communauté LGBT*** a repris largement le cliché, dont j’ai cédé les droits. J’en suis fier.

*Le Festival d'Avignon se veut la plus importante manifestation de théâtre et de spectacle vivant du monde, par le nombre de créations et de spectateurs réunis.
**La Base, 32, quai Général-Leclerc, Le Coteau.
***Lesbiennes Gays Bisexuels et Transgenres.