Exposition Timeshells au Musée Déchelette : l'interview d'Adriaan Lokman

Adriaan Lokman est né en 1960 à Harleem aux Pays-Bas. À son actif ? Six films d’animation indépendants primés sur la scène internationale ! Depuis 2004, ce créateur multifacettes vit et travaille dans l’Allier. Il connaît Roanne grâce à Ciné court animé pour lequel il a été jury. En 2015, il débute le projet Timeshells qu’il présente pour la première fois au musée Joseph-Déchelette.

L’inspiration est une chose étrange

Quelles sont vos sources d’inspiration ?
L’inspiration est une chose étrange… Je ne sais pas d’où elle me vient exactement. Enfant, je pouvais regarder les bulles de mon verre de limonade, les ondulations du sable sur la plage ou les réflexions du soleil sur l’eau pendant plusieurs minutes. Je trouve la combinaison du rythme, de l’ordre et de la répétition fascinante. D’autant plus qu’ils peuvent être précédés ou suivis par une forme de chaos. Et c’est dans la nature qu’on retrouve tout cela. C’est ce qui m’a inspiré pour Metro, par exemple, ces arrivées et départs à un rythme serré qui donnent l’impression d’être
toujours identiques mais qui possèdent des changements subtils.

Comment avez-vous abouti à la création de la série d’oeuvres qui composent Timeshells ?
Réaliser un film est, pour moi, un long processus : Flow, préselectionné aux César 2020, m’a demandé sept ans.
Animé par le désir de porter mes idées au-delà de l’écran de cinéma, de les placer de façon tangible dans l’espace physique et d’obtenir des résultats artistiques rapidement, j’ai commencé à travailler avec une imprimante 3D et un mini-rétroprojecteur.
J’ai alors découvert que la combinaison des ombres et de la lumière projetée donnait vie aux objets et plusieurs idées ont rapidement surgi. En fait, ce jeu d’ombre et de lumière constitue le coeur et le rythme de la plupart des installations. Dans le même temps, j’ai commencé à collecter des vidéos (d’oeufs au plat, de croix de pharmacies, de vues de métros…). Un peu comme lorsqu’on commence à mélanger les couleurs sur sa palette mais sans savoir comment placer le premier coup de pinceau. La plupart de mes idées ont été notées au crayon sur un carnet de croquis dans le train ou sur la terrasse d’un café.
L’ensemble de mes installations n’est pas né de la volonté de créer un concept. Cependant, le fait de les réunir dans une seule et même exposition leur donne un point commun et les réunit forcément sous un concept global : Timeshells.

Que souhaitez-vous montrer ou dénoncer à travers votre expo ?
Timeshells est un processus intuitif. C’est seulement après avoir réalisé une installation que je peux mettre des mots sur la raison de sa création. Je ne peux nier que la plupart de mes oeuvres sont engagées.
C’est visible dans Hello Welcome, basée sur le flux incessant de spams et la présence criante du matérialisme sur internet, ou bien Strike, réalisée en 2016 et inspirée par le sentiment croissant d’individualisme qui menace la société, notamment après les attaques en France et au-delà.
Ce que je souhaite également montrer, c’est que même les messages négatifs peuvent avoir une part de beauté. Que le beau et le laid coexistent. Composition en bleu et jaune est, pour moi, un bon exemple : nez et urinoirs, assez vulgaires initialement, deviennent esthétiques lorsqu’ils sont intégrés dans une chorégraphie lumineuse.

Après Ciné court en tant que réalisateur, cette exposition vous permet de faire connaître une autre facette de votre personnalité. N’avez-vous pas l’impression d’entretenir un lien privilégié avec les Roannais ?
Sans aucun doute ! Sans Loïc Portier, directeur de Ciné court, cette exposition n’aurait peut-être pas vu le jour. Lorsque je suis arrivé dans la région, je ne savais pas que Roanne jouerait un rôle aussi important dans mon développement créatif. J’admire aussi le courage du musée et de sa précédente directrice Nathalie Pierron de m’avoir donné l’opportunité d’exposer. Finalement, une exposition réunissant 10 installations vidéos sur des objets imprimés en 3D dans un musée des beaux-arts et d’archéologie n’est pas évidente.
Je suis très heureux que l’exposition ait été maintenue après la fermeture du musée suite au confinement. J’espère sincèrement que les Roannais apprécieront mon travail et qu’il signifiera quelque chose pour eux. Si c’est le cas, j’ai hâte de voir ce que l’avenir nous réserve… »

En savoir + sur l'exposition Timeshells

Timeshells, jusqu’au 12 octobre au Musée Joseph-Déchelette
Horaires d’ouverture
Lundi/mercredi/jeudi/vendredi : 10h - 12h et 14h - 18h
Samedi / dimanche : 14h - 18h
Fermé le mardi et les jours fériés.
Tarif : 3 € / gratuit le premier dimanche du mois et le mercredi après-midi
22 rue A.France - Roanne / 04 77 23 68 77

Interview d'Adriaan Lokmann